Nous sommes le 20 avril 2022. Un silence de plomb s’instaure dans la salle de conférence du lycée professionnel d’Alembert, situé dans le 19ème arrondissement de Paris. Comme une respiration, ce silence annonce le début du concours Trouve Ta Voix, auquel deux classes du lycée ont choisi de participer. Sur ces soixante élèves, huit s’apprêtent à prendre la parole pour parvenir en demi-finale et s’exprimer dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne.
Pour ces huit élèves, le concours Trouve Ta Voix parachève un cycle de formations structuré sur dix semaines. Cette compétition est un aboutissement, un objectif concret et galvanisant, un espoir de se faire entendre ailleurs qu’aux portes du parc de la Villette.
Pour les autres élèves, l’aventure Trouve Ta Voix est loin d’être terminée. En effet, trouver sa voix ne suppose pas nécessairement de prendre la voie du politique et de rendre sa parole publique. Le politique relève d’ailleurs souvent du privé et s’immisce dans tous les secteurs d’activités. Parmi les soixante lycéennes du lycée d’Alembert bénéficiaires de nos formations, une majeure partie souhaite devenir infirmière ou puéricultrice. Leurs voix ne résonneront donc pas dans des amphithéâtres ou des hémicycles, mais dans l’intimité de la chambre de leurs patients. Leurs mots n’embraseront pas les foules, mais soigneront les blessés et panseront les plaies.
Ainsi, l’usage des mots ne se limite pas à la sphère politique, mais pénètre d’autres cercles. Dans son ouvrage Propaganda Technique in the World War (1927), Harold Lasswell développe le modèle de la « seringue hypodermique » pour expliquer la façon dont les messages médiatiques sont « injectés » dans l’esprit des destinataires auxquels ils sont adressés. Bien qu’elle ait été contestée, cette analogie médicale montre que les mots imprègnent les pensées de ceux qui les écoutent, quels qu’ils soient. Là où les mots d’un sophiste orientent les conduites, ceux d’un soignant ou d’une soignante sont mis au service des patients : des mots pour rendre dicible la douleur et permettre de la tolérer ; des mots pour faire comprendre la réalité d’une maladie et la surmonter ; des mots pour accompagner la convalescence et favoriser la guérison ; des mots pour conserver la dignité de ceux qui ne sont plus.
Les mots ne permettent donc pas toujours de soigner les maux. C’est alors à ceux qui les prononcent qu’ils seront le plus utile : la parole des soignants leur permet de décrire leur quotidien, d’éprouver un sentiment de solidarité ou encore de revendiquer l’importance de leur métier.
Pour conclure, la prise de parole n’est pas l’apanage des élites politiques et appartient à tous, comme cet exemple l’illustre. De la même façon, tous les bénéficiaires de nos formations pourront faire entendre leurs voix, qu’elles aient résonné durant le concours ou non. En effet, la mission de Trouve Ta Voix n’est pas de former des rhéteurs professionnels, mais de révéler des lycéens prometteurs. En d’autres termes, il ne s’agit pas tant d’entraîner des futurs politiciens que de faire rêver une jeunesse trop longtemps éprouvée.
Solène Klinge, pour la série d’articles « Nos Plumes » Trouve Ta Voix