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Tour du monde de l’intégration de la prise de parole dans les systèmes éducatifs

« En France, l’École n’apprend pas assez à parler » : tour du monde de l’intégration de la prise de parole dans les systèmes éducatifs

Les enfants à qui l’on enseigne la prise de parole obtiennent de meilleurs résultats aux tests de mathématiques, de sciences et de raisonnement que ceux qui ne bénéficient pas de cet enseignement. Ce résultat frappant est le fruit des recherches de Neil Mercer, professeur émérite d’éducation à l’Université de Cambridge. Dès lors, l’on est légitime de s’interroger sur les raisons de l’absence d’enseignement de la prise de parole au sein de notre système éducatif. Et est-ce différent ailleurs ?

Indiscutablement, les pays anglo-saxons sont bien meilleurs que nous en termes d’éducation à la prise de parole. Et cela est dû, outre les traditions sociales et culturelles, au système éducatif. En Angleterre, les élèves sont exposés dès leur plus jeune âge à la prise de parole. À titre d’exemple, ils doivent dès 6 ans présenter un sujet de leur choix à l’oral, et ce devant leur classe. Si cet exercice peut paraître extrême pour un enfant de cet âge, il n’en reste pas moins que cela les prépare efficacement à parler en public devant un auditoire. Le système éducatif, par le biais de ces exercices, leur donne la confiance nécessaire pour ensuite s’exprimer distinctement et clairement à l’oral. 

L’on assiste d’ailleurs à une expansion de cette pratique dans des écoles anglaises moins prestigieuses, preuve de ses bénéfices. À ce titre, elle s’inspire fortement des sessions « Show and Tell » venues tout droit des Etats-Unis, lesquelles consistent en ce que l’élève – dès l’école primaire, apporte un objet et en parle quelques minutes devant sa classe. Reprises massivement en Australie et en Nouvelle-Zélande, ces sessions permettent aux élèves de développer les compétences orales nécessaires à leur vie professionnelle future. Inconsciemment, ils surmontent plus aisément l’anxiété et la nervosité liées au fait de s’exprimer en public.  

Plus généralement, il est fréquent qu’il soit demandé aux élèves de réciter des poèmes devant la classe, et ce même en France. Néanmoins, les pays anglo-saxons vont plus loin et organisent ce genre d’événements devant une audience plus large, à savoir les parents et amis de chaque élève. Encore une fois, cela permet aux enfants, dès leur plus jeune âge, de s’habituer à parler en public. 

Aussi, au Royaume-Uni, les activités extra-scolaires incluent généralement le débat. Dès lors, à l’âge de 14 ans, les élèves sont encouragés à assister aux sessions de débat, si ce n’est à y participer. Ils sont également invités à prendre part au vote final, ce qui permet de les inclure d’autant plus dans le débat. Ainsi, ces activités de débat viennent stimuler les compétences oratoires des élèves en amont de leurs études secondaires et supérieures. 

Enfin, plus tard – à l’université, les activités de tutorat viennent renforcer les compétences oratoires acquises tout au long de la scolarité. Si cette pratique reste peu répandue en France, il s’agit de sessions hebdomadaires composées de quelques étudiants, lesquels doivent présenter leur travail de réflexion, le soutenir au moyen d’arguments pour, enfin, répondre aux possibles interrogations des membres présents.

En somme, nul doute que le système anglo-saxon prépare d’une meilleure façon leurs jeunes à la prise de parole en public.

Il n’est alors pas étonnant d’assister, en France et ailleurs, à l’émergence d’une nouvelle sorte de phobie – la glossophobie. Elle signifie la peur de parler en public, que ce soit dans le cadre scolaire, professionnel voire personnel. Si l’on apprend à nos élèves à lire et à compter, on ne leur apprend toutefois pas à parler. Or, il s’agit du tout premier outil permettant de convaincre un interlocuteur. Dépasser cette crainte, cette peur d’être jugé est donc nécessaire et cruciale, afin que chacun et chacune puisse prendre sa place sereinement dans le débat démocratique et dans sa vie plus généralement.

À ce titre, Amanda Fakihi, étudiante en sciences politiques à l’Université de Montréal, confiait dans une interview ses craintes sur notre système éducatif, et ce à très juste titre : « Nos écoles font très peu pour outiller nos enfants à faire entendre leur voix de manière intelligible, fluide et assurée. Ce n’est pas suffisant de les noter sur la participation en classe ou sur leurs présentations orales, nous devons les aider à forger leur confiance et à apprendre à apprivoiser leurs peurs et à valoriser leur voix afin de leur permettre d’affronter avec confiance le monde qui les attend. » (LaPresse.ca)

Néanmoins, si notre système éducatif a beaucoup à apprendre de ceux de nos voisins, il n’en reste pas moins que la réflexion est enclenchée. Or, la réflexion entraine l’action. Nous disposons d’un modèle efficace duquel nous pouvons nous inspirer grandement, qu’attendons-nous ? N’est-il pas temps de repenser l’éducation, et plus particulièrement la place que nous accordons à la prise de parole dans celle-ci ? Il est contradictoire de valoriser l’art oratoire, la prise de position et le débat dès la sortie du lycée, si nous n’en donnons pas les clefs en amont. Il est contradictoire de ne pas apprendre aux élèves à parler puis d’attendre d’eux qu’ils s’expriment pleinement au sein de notre société.

La réflexion est engagée, l’action est désormais attendue.

Florine PERBOST pour la série d’articles « Nos Plumes » de Trouve Ta Voix.

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