Les profs doivent-ils se taire ? C’est un prof qui pose la question. En cours, la plupart du temps, c’est moi qui parle. C’est moi qui déroule ma séance, incluse dans ma séquence, et qui répond au programme tout en l’appliquant à ma connaissance de la classe. C’est moi qui accorde la parole, au moment où je l’ai décidé – et souvent pour conduire le groupe où je veux qu’il aille. C’est nécessaire, parce que je suis spécialiste de la matière que j’enseigne (le français), et pour contribuer à la constitution d’une culture commune aux élèves d’un même niveau de classe. J’ai suivi des études, passé un concours, je continue de me former durant ma carrière, je suis accompagné, notamment par les inspectrices et inspecteurs d’académie.
Ce n’est pas pour autant que je doive être seul à avoir la parole. En début de carrière, notamment pour se légitimer, on peut avoir tendance à la monopoliser. Mais une fois le cours fini, quel bonheur d’échanger les rôles : les lycéennes et lycéens m’ont appris énormément de choses.
Combien sont venus me voir dans ma salle dont la porte reste ouverte quand je n’ai pas cours, pour bavarder ? Dans ces cas-là , j’essaie de me taire : elles et ils ont des choses à dire. Sur leur quotidien, sur leurs aspirations, sur leur perception du monde. Écouter réellement est une vertu, au même titre que savoir prendre la parole : il faut la cultiver. J’ai beau être le professeur, à chaque fois que je me suis placé dans ce rôle, c’est moi qui ai beaucoup appris. Je ne dirai pas quoi : ce serait, sinon, risquer de leur voler leur parole.
Hubert Camus.