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Le langage des signes et le braille : quand le corps se fait mots

Dans son Cours de linguistique générale, Ferdinand de Saussure définit la sémiologie comme « une science qui étudie la vie des signes au sein de la vie sociale ». Autrement dit, la sémiologie est une science de la communication, « laquelle n’étudie pas les échanges naturels mais les échanges codés et sémiotisés » (Daniel Bougnoux, Introduction aux sciences de la communication, 1998). 


Les interactions humaines sont ainsi ponctuées de signaux qui facilitent la compréhension des messages. Présents dans les mots de l’énoncé comme dans l’acte d’énonciation, ces signes peuvent être verbaux ou corporels. Aux propos s’ajoutent les modulations de la voix, la gestuelle, la posture, les mimiques et bien d’autres manifestations de la personnalité du locuteur. C’est dans ces signes que l’identité de l’orateur s’exprime et que la nature d’une relation transparaît. Plus ou moins explicites, ces signaux sont autant de repères qui nous indiquent la marche à suivre dans l’espace social. Comme des protocoles ou des partitions, les signes de l’intéraction nous permettent de rejouer sans cesse le rôle que nous nous sommes attribués et d’occuper la place que nous pensons être la nôtre. 


Dès lors, comment faire lorsque l’on est privés de la majeure partie de ces signaux ? Lorsque nos sens nous font défaut ? Sans l’ouïe ou la vue, que nous reste-t-il pour comprendre et être compris ? Pour appliquer les normes d’un langage qui ne nous convient pas ? Loin d’être démunis face à ce qui semble être une « perte » pour les personnes valides, les individus sourds et/ou aveugles ont construit leurs propres conventions et manifestent leur présence au monde grâce à des codes universels. La langue des signes, notamment, est aussi vieille que l’humanité.

Lorsque les paroles ne peuvent pas être entendues, la gestuelle prend le relais : le sens des mots se concentre alors dans les mouvements de la main et des doigts. Une simple inflexion de l’index, du majeur et de l’annulaire servent par exemple à dire « je t’aime » et signifier, en un geste, l’infinie richesse de ces trois termes. Loin d’être réducteur, le langage des signes permet d’exprimer des notions et des concepts et saisit les nuances dont le réel recèle.  


À l’écrit, les personnes aveugles ou malvoyantes s’appuient sur un système d’écriture tactile à points saillants : le braille. Du nom de son inventeur, Louis Braille (1809-1852), ce langage s’appuie sur une méthode élaborée en 1829. Quelques années plus tard, en 1880, Helen Keller naît en Alabama. Devenue sourde et aveugle suite à une congestion cérébrale, Helen Keller est progressivement sortie du mutisme et de l’isolement dans lesquels son double-handicap l’enfermait. Accompagnée par sa tutrice, Anne Sullivan, Helen Keller est devenue la première personne handicapée à obtenir un diplôme universitaire aux États-Unis. Grâce au braille, elle a écrit douze livres et toute une série d’articles au cours de sa vie. Son œuvre retrace sa lutte personnelle et ses engagements politiques : membre du Parti socialiste, Helen Keller a fait campagne pour le droit de vote des femmes et pour les droits du travail. Affichant des positions antimilitaristes, cette autrice était résolument pacifiste et parlait la langue de l’universel. 


Ainsi, il n’y a pas besoin d’entendre les mots et de voir les signes pour signifier ses émotions, ses opinions et son engagement. L’association Trouve Ta Voix invite tous les jeunes, valides ou non, à se saisir des mots qui sont les leurs, et ce peu importe le langage qui leur permet de les prononcer. 


Solène Klinge, pour la série d’articles “Nos Plumes” Trouve Ta Voix