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Être formateur TTV : une expérience de partage et d’enrichissement mutuel

Encore un vendredi où le réveil semble sonner trop tôt. Pourtant, comme à chaque fin de semaine, je me lève avec une certaine excitation. Fatigué certes, mais impatient des deux heures à venir. Je me prépare rapidement et révise ma séance du jour autour d’un grand bol de café. Le chemin, je le connais par cœur : direction Nation, puis ligne 6, une grosse trentaine de minutes et me voilà arrivé au lycée Emile Dubois. Je retrouve ma classe de 2B, fatiguée elle aussi, pourtant excitée de cette expérience débutée au mois de janvier. Peu à peu, les élèves se réveillent et se motivent. Et au fil de la séance, ils m’apprennent autant que je leur transmets, c’est la véritable richesse de Trouve Ta Voix. Aujourd’hui, je crois pouvoir affirmer que cette expérience a été une expérience de vie. Une expérience faite de partages, de rires, de découvertes et d’enrichissements. Je vais vous expliquer pourquoi : 


D’abord, parce que Trouve Ta voix repose sur un modèle unique

Le cœur de l’association, ce sont les bénévoles. Des jeunes étudiants qui croient en la transmission, le partage et l’enrichissement mutuel. Cette année, c’est près de 70 bénévoles qui sont engagés partout en Ile-de-France. Chaque semaine, et ce pendant près de quatre mois, les formateurs Trouve ta Voix ont accompagné une classe de seconde jusqu’à l’événement final : le concours d’éloquence. 

La plupart de ces jeunes ne sont ni professeurs ni animateurs, ils sont simplement passionnés. Et de cette passion naît une envie d’apprendre et une force de travail qui leur permet de transmettre des leviers et des astuces pour prendre la parole en public. Pour prendre confiance en soi et oser affirmer ses idées à l’oral. Mais surtout, cette passion leur permet de se lever toutes les semaines avec une folle envie d’apprendre, de découvrir et d’observer. 


Ensuite, parce que c’est la découverte d’un environnement nouveau 

Évidemment, l’aventure Trouve Ta Voix, c’est d’abord l’histoire d’un RER et d’un quartier inconnu. En effet, les lycées visés sont souvent localisés dans des quartiers prioritaires bien étrangers aux formateurs. A cet égard, le premier cours est souvent étonnement et surprises de tous les instants. Je me souviens, pour ma part, de ce premier vendredi au lycée Emile Dubois. Je passe la grille du lycée, on me demande naturellement ma carte de lycéen (je me suis dit ne pas avoir vieilli à ce moment). Cependant, quelques pas plus tard, je me retrouve en salle des professeurs. Lieu mythique, intriguant et effrayant pour tous les élèves. Deux étages plus tard et quelques dizaines de marches plus haut, me voilà devant la salle 218. Les élèves qui constitueront « ma classe » sont là, blasés de toute évidence, mais excités de cette nouvelle expérience. J’y apprends rapidement des prénoms que je n’avais jamais entendu avant ; je découvre une gêne que je n’ai jamais éprouvée pendant toute ma scolarité, sans doute parce que né dans un environnement qui m’a poussé à m’affirmer et à avoir confiance en moi dès la primaire. Mais j’y apprends surtout que nous ne communiquons pas de la même façon. Rapidement, ils sont étonnés de m’entendre parler comme « un livre », je me surprends alors à questionner mes formulations. Dois-je trouver plus simple, un synonyme ? Une autre phrase ? Peut-être devrais-je éviter le subjectif ? 


Rapidement, ces interrogations m’ont quittées. L’expérience Trouve Ta Voix, c’est d’abord celle d’une rencontre. Eux apprennent à me connaître au fil des semaines : ils découvrent mes passions, mes goûts musicaux, ma névrose pour Fabrice Luchini et pour Edouard Baer ; moi, je découvre des chanteurs, des rappeurs et des références qui ne sont pas les miennes. On s’enrichit de nos différences. Nous apprenons les uns des autres, sans hiérarchie. Dans nos échanges, parfois à l’emporte-pièce, d’autres fois si soignés, nous parcourons un monde. Le nôtre. Et chaque vendredi, nous repartons de cette salle enrichis de nouvelles expériences, de moments d’échanges et de bienveillance. 


Enfin, être formateur, c’est un apprentissage continu

Les semaines défilent rapidement, et à chaque fois que je retourne dans ce lycée, j’ai l’impression de plonger dans mes souvenirs. Comme si je vivais un rêve grandeur réelle. J’y retrouve l’appréhension des contrôles, les jeux de regards, les remarques naïves. Cependant, et pour mon plus grand plaisir, la parole a remplacé le stylo ; et j’ai changé de bord. Je me retrouve à côté de ce bureau qui m’a tant effrayé et sur lequel j’ai vu des professeurs changer des destins. A ma manière, je me dis humblement qu’il est peut-être venu le temps de changer celui des 22 élèves qui se trouvent devant moi. Avec la candeur de leur âge et l’impertinence qui les sublime, au fil des semaines ils se sont ouverts à moi comme peu de personnes l’ont fait auparavant. De ce froid « monsieur », il ne reste aujourd’hui plus grand chose. Tous m’appellent Téo et regardent mon arrivée dans leur salle de classe avec la fainéantise et l’excitation qui caractérisent les vendredis matin à 8h00. Je commence toujours par un petit jeu : un “cadavre exquis”, le “dernier billet pour mars” ou un rôle d’avocat improvisé. Les semaines passent et des talents se révèlent. Moi, je les regarde avec les yeux du passant et de l’amant : intrigué, mais passionné. 


Je saisis des rires et des haussements de cils comme des signaux faibles : ceux d’une jeunesse ignorée à qui l’on donne soudainement la parole. Ils sont la preuve que rien n’est perdu, que le fatalisme n’a pas sa place et qu’aucun destin n’est écrit. Tout est à faire. Il faut simplement y donner un peu de son temps et de son énergie. Au bout de toutes ces semaines, le résultat est imparfait et pourtant si touchant. Il témoigne d’une force intérieure qu’il suffit d’accompagner ; d’esprits qui ne demandaient qu’à être écoutés. Parfois, je me suis retourné sur mon passé, sur ces évidences qui m’ont animées et qui leur semblaient étrangères. Je me suis dit que j’avais de la chance. De la chance d’avoir eu une enfance qui m’a poussé à m’affirmer et à prendre confiance en moi si facilement. Mais également de la chance d’avoir rejoint cette association pour découvrir un environnement qui jusqu’alors m’était inconnu. J’accédais à un espace de réflexion infini et je ressortais de chaque séance avec le poids du savoir et de l’exigence. L’exigence de ne plus céder à des préjugés tout faits ; l’exigence de ne plus parler quand je n’avais pas vu ; l’exigence de partager cette expérience avec le plus grand nombre. Comme ici, avec vous. Finalement, voilà ce qu’est Trouve Ta Voix, l’engagement de quelques semaines, mais l’apprentissage d’une vie.


Téo Perrin, pour la série d’articles “Nos Plumes”