Vous l’avez déjà entendu lors d’un repas de famille lorsque la discussion devient conflictuelle, j’en suis sûr ! Cette affirmation tend à se généraliser dans notre société et en particulier dans la sphère médiatique. Par définition, elle prétend l’existence d’une période ou la parole était libérée – voire débridée – en opposition avec une parole aujourd’hui muselée.
Mais notre liberté d’expression est-elle réellement menacée aujourd’hui ?
D’abord revenons sur le cadre légal encadrant notre dite liberté d’expression. En France, cette liberté est consacrée dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen à l’article 11 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la Loi. ». C’est un droit auquel les français sont particulièrement attachés, car il fut long à acquérir dans l’histoire. En ce sens, le débat fait rage car ce droit serait menacé de nos jours.
On note effectivement une évolution de notre sensibilité sociétale. Des débats, des mots, des blagues qui pouvaient être admis par le passé ne le sont plus aujourd’hui. Cette évolution est particulièrement dûe à des mouvements revendicatifs et sociaux, tel que le mouvement MeToo contre les violences sexuelles et sexistes. Or notre cadre légal n’a pas évolué depuis mais on observe tout de même une forme d’ “hypersensibilité sociétale”, avec une évolution des mœurs. La loi interdit toute expression invitant à la haine et à la violence. Mais en réalité, nous sommes plus durs face à notre liberté d’expression, réprimant collectivement toute forme d’offense de nos jours.
Néanmoins, rassurez-vous, notre liberté d’expression n’est pas réellement en danger. Il n’y a qu’à observer son développement sur les réseaux sociaux. L’essor d’internet nous a permis d’accéder à des zones d’expression plus larges. Nous disposons à titre individuel d’un plus grand nombre de canaux d’expression.
Sans liberté d’expression, il ne peut y avoir de démocratie. Elle est indispensable à la stabilité de la société puisqu’elle participe à la libre circulation des idées. Mais la liberté d’expression n’est rien sans l’engagement d’une écoute. Or la multiplication des canaux d’expression, ainsi que des acteurs, peut conduire à une saturation du débat. Aujourd’hui, nous devrions donc davantage nous inquiéter d’une forme de “surdité” qui se développe avec l’augmentation des parties prenantes au débat.
Damien Vivet, pour la série d’articles « Nos Plumes »