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La parole, arme de libération féminine

Dans l’intimitĂ© des podcasts ou dans les dĂ©bats Ă  la tĂ©lĂ©vision, entre les pages des livres ou les murs des fondations, dans les fils de commentaires ou les refrains des chansons, partout, les voix se libèrent. Il ne s’agit donc pas d’une voix solitaire et fluette, ni mĂŞme d’une douce mĂ©lodie, mais bel et un bien d’un chĹ“ur puissant dont le chant rĂ©sonne aujourd’hui. VĂ©ritable ode Ă  la vie, la voix des femmes est plus qu’une musique, c’est un appel. 


Un appel Ă  la libĂ©ration, d’abord. 


En 2006, la militante new-yorkaise Tarana Burke lance une campagne de soutien aux victimes d’agressions sexuelles dans les quartiers dĂ©favorisĂ©s. Cette initiative est incarnĂ©e par un court slogan : Â« Me too Â».  Le 5 octobre 2017, l’affaire Weinstein embrase la Twittosphère. C’est Ă©galement sur Twitter que renait le slogan de Tarana Burke : dans la nuit du 14 au 15 octobre 2017, Alyssa Milano publie un message appelant les victimes de harcèlement ou d’agression sexuelle Ă  Ă©crire « Moi aussi Â» en rĂ©ponse Ă  son tweet. Plus de soixante mille messages lui font directement Ă©cho dans les cinq jours suivants. Au total, #MeToo a gĂ©nĂ©rĂ© 17,2 millions de tweets en un an. 


Un appel Ă  la rĂ©flexion, ensuite. 


Brisant le silence, #MeToo s’est imposĂ© avec Ă©clat comme l’un des plus grands mouvements sociaux du siècle et a permis de briser les tabous. Discrets et dangereux, les non-dits peuvent toutefois faire l’objet de discussions moins bruyantes, tenues dans l’univers feutrĂ© des podcasts ou des Ă©missions de radio. L’appel Ă  la libĂ©ration des femmes peut Ă©galement prendre la forme d’un appel Ă  la rĂ©flexion. En rĂ©action Ă  cette demande, le podcast La Poudre a Ă©tĂ© crĂ©Ă© en 2016, constituant un lieu d’échange entre militantes, artistes ou intellectuelles fĂ©ministes. Un an plus tard, Un Podcast Ă  soi est Ă©galement lancĂ©, mĂŞlant tĂ©moignages et rĂ©flexions pour aborder les problĂ©matiques de genre. 


Un appel Ă  l’action, aussi. 


Avec l’épidĂ©mie de Covid-19, cet appel Ă  la rĂ©flexion s’est rapidement muĂ© en appel Ă  l’action. En effet, la crise sanitaire a accĂ©lĂ©rĂ© la prise de conscience relative aux fĂ©minicides. Depuis 2016, la Fondation des Femmes collecte des fonds auprès du grand public et des entreprises afin de les redistribuer aux associations spĂ©cialisĂ©es dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Plus qu’une libĂ©ration, la prise de parole reprĂ©sente ici une condition de survie. 


Un appel Ă  la condamnation, enfin. 


La libĂ©ration de la voix des femmes suppose la censure de leurs bourreaux. Il s’agit de faire taire ceux dont la parole n’a pas pour enjeu d’emporter l’adhĂ©sion, mais de provoquer la destruction. Dans son ouvrage La Familia Grande paru le 7 janvier 2021, Camille Kouchner dĂ©nonce l’inceste commis par son beau-père sur son frère jumeau. Victime du silence familial, l’avocate condamne cet acte dont sa fratrie a trop longtemps souffert : 


« Je vais t’expliquer, Ă  toi qui professes sur les ondes, toi qui fais don de tes analyses aux Ă©tudiants et pavanes sur les plateaux tĂ©lĂ©. Je vais t’expliquer que tu aurais pu, au moins, t’excuser […] Je vais t’expliquer, Ă  toi qui dis que nous sommes tes enfants. Quand un adolescent dit oui Ă  celui qui l’élève, c’est de l’inceste […] Â» (La Familia Grande, p.167-168) 


En dĂ©finitive, la libĂ©ration de la parole permet de qualifier et de facto de neutraliser la souffrance. Ainsi prononcĂ©s, les mots offrent la possibilitĂ© d’une guĂ©rison et, peut-ĂŞtre, d’une Ă©mancipation.  


Solène Klinge pour la série d’articles “Nos Plumes” Trouve Ta Voix