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Le syndrome de l’imposteur : Comment éviter le piège du sentiment d’illégitimité ?

Suis-je légitime d’écrire cet article ? Si certains parviennent aisément à accepter leurs réussites personnelles et les opportunités qui s’offrent à eux, il peut être plus délicat pour d’autres de les embrasser. Lorsqu’il nous est difficile de voir ce dont nous sommes capables de réaliser, nombreuses sont les questions qui surgissent et ne nous quittent plus. Est-ce que je mérite ma place ? Pourquoi ai-je été choisi ? Suis-je à la hauteur ? À ces premières incertitudes s’ajoutent des pensées récurrentes et des comportements que nous adoptons, consciemment ou non. 

En m’intéressant à ce mécanisme, je n’ai trouvé aucune définition du syndrome de l’imposteur faisant l’unanimité. Autant de définitions que de personnes interrogées ou d’articles lus. Le syndrome de l’imposteur empêcherait à celui ou celle qui le vit de penser que sa place et ses succès sont pleinement mérités. Chance, hasard et surinvestissement volent la place des propres qualités et du sentiment de légitimité. Le doute est omniprésent, il en est de même pour la remise en question. À cela s’ajoute une comparaison permanente avec notre environnement, qui nous laisse parfois penser que nous ne sommes pas à l’endroit où nous devrions être. Tantôt parce que les autres semblent meilleurs, que leurs réalisations nous paraissent extraordinaires et, donc, irréalisables. Tantôt parce que la peur d’être “démasqué” grandit en nous : cette crainte que notre entourage découvre que notre réussite n’est qu’une immense mascarade. Une magnifique pièce de théâtre dont nous jouons parfaitement le rôle principal car nous jouissons de facteurs externes. Ainsi, retours positifs et jolis compliments sont difficilement pris au sérieux car jugés exagérés ou pas assez sincères. Il devient surtout laborieux de s’approprier tout accomplissement, qu’il soit professionnel ou privé. Si bien que l’on en vient à banaliser les efforts assidus que nous avions fournis et à se dire que c’était à la portée de tous. 


De monsieur tout le monde aux célébrités mondialement reconnues, personne n’est à l’abri du syndrome de l’imposteur. Chacun connaît, à un moment donné, une réussite. “Réussir”, n’est-ce pas le concept le plus abstrait et subjectif qui puisse exister ? Si pour certains la réussite va forcément de pair avec une évolution dans la vie professionnelle, pour d’autres elle désigne un ensemble plus vague, synonyme de bonheur : réussir à mener à bien ses relations amicales, par exemple. Le plus fréquemment, le syndrome apparaît au sein d’un tout nouvel environnement. 


Ainsi, il est intéressant de se focaliser sur le cas des étudiants fraîchement arrivés au sein d’un nouvel établissement dit prestigieux. Les premiers jours en études supérieures arrivent, les premières rencontres se font et, déjà, les premiers doutes s’installent chez ces nouveaux étudiants tout juste sortis du lycée. Sans doute sont-ils aveuglés par le fossé qu’ils s’imaginent entre leurs capacités et celles des autres, pouvant impressionner. À titre d’exemple, une étudiante en langues étrangères à l’université Sorbonne-Nouvelle m’a confié ces mots lors de notre discussion : “Quand je suis arrivée dans une classe remplie de locuteurs anglais natifs, j’ai eu l’impression de ne pas être à ma place”. Il semblait y avoir un décalage important. Pourtant, en comparant ses résultats avec ceux de sa classe, il apparaît clair que ce n’était qu’une impression. En interrogeant une étudiante à Sciences Po Paris sur le campus de Poitiers, la conclusion est identique : le syndrome apparaît dès lors où l’on a l’impression que les autres étudiants sont extraordinaires. À ce moment précis, une seule question occupe notre esprit : “Qu’est ce que je fais ici ?”. Assurément, la comparaison peut être source d’angoisse et provoque parfois même un sentiment de malaise voire d’infériorité. Mais comprenons que lorsqu’un environnement nous est encore inconnu, nous avons souvent tendance à amplifier les compétences de ceux qui nous entourent. Si bien que nous minimisons les nôtres. 


Un des témoignages les plus poignants que j’ai pu lire est celui de Luc Abalo, ancien joueur de l’équipe de France de handball au palmarès hors du commun : triple champion olympique, triple champion d’Europe et triple champion du monde. Incroyable. À la fin de sa carrière internationale, il se confie sans aucun filtre : “J’avais envie d’arrêter l’équipe de France (…) j’avais ce syndrome de l’imposteur parce qu’on me faisait moins jouer et je me demandais si on me prenait simplement parce que j’avais gagné des titres avant”. Il en va de même pour Emma Watson, Alicia Keys ou encore Michelle Obama : des femmes talentueuses pour qui il a longtemps été difficile d’accueillir le succès à bras ouverts. Mais comment éviter le piège du sentiment d’illégitimité ? 


Être conscient que l’on mérite sa place n’est pas toujours évident. Ce qui a aidé le handballeur français à reprendre confiance en lui, c’était d’avoir des gens très proches qui lui ont rappelé sa valeur. Pour d’autres, la bonne posture à adopter serait celle où l’on évite la comparaison car elle nous complexe souvent, à tort ou à raison. À titre plus personnel, me confier et partager ce que je ressentais avec des personnes qui vivent les mêmes nouvelles expériences de vie m’a été très bénéfique. J’ai pu prendre du recul et, in fine, comprendre que ce qui était dramatique n’était pas la situation en soi mais la perception que j’en avais. 


Bien qu’il se répande chez nombre d’entre nous et qu’en sa présence retirer son masque peut rendre vulnérable, on ne cherche pas à faire disparaître le syndrome de l’imposteur comme on chercherait à éradiquer un virus. Le meilleur moyen de vivre avec ce syndrome serait certainement de le conscientiser. D’assumer qu’il est bel et bien présent. D’accepter qu’il rythme nos émotions. Qu’il donne le tempo de nos actions. Tantôt qu’il nous voue à l’inaction, à la procrastination… et nous pousse à le haïr. Tantôt qu’il nous fasse redoubler d’efforts, d’abnégation… et nous oblige à le remercier et l’aimer, à contrecœur. Quoiqu’il en soit, cher syndrome de l’imposteur, merci de nous permettre d’adopter l’attitude la plus sage et la plus humble qui soit : le questionnement. 


Lucas Bouabanh, pour la série d’articles « Nos Plumes » Trouve Ta Voix